L'IMPOSTEUR
De l'Appel de Cochin au discours du Reichstag.
par Raphaël Dargent
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aaaaaaJ'ai entendu récemment sur une grande station radiophonique le duo de choc de la bienpensance éditorialiste, Messieurs Serge July et Franz-Olivier Giesbert, prétendre comme un seul homme (à croire que désormais les lecteurs du Figaro sont les mêmes que ceux de Libération) qu'en réalité non seulement l'Appel de Cochin n'a pas été écrit par Chirac - ce que chacun savait déjà - mais que de surcroît ce n'est pas lui qui l'a prononcé, mais un autre, un malade encore dans les brumes, un hospitalisé n'ayant pas encore recouvré sa lucidité et toutes ses facultés, un convalescent qu'auraient abusé et instrumentalisé Marie-France Garaud, Pierre Juillet et Charles Pasqua, comploteurs agissant dans l'ombre.
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aaaaaaNos deux compères répondaient ainsi à ceux, nombreux, qui s'étonnaient ou s'offusquaient du décalage énorme entre le dit Appel et le récent discours que prononça Jacques Chirac au Reichstag.
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aaaaaaAinsi donc, semblaient dire derrière leurs micros notre Bouvard libertaire et notre Pécuchet libéral, Jacques Chirac n'a-t-il que peu varié, a-t-il toujours été européen; I'homme est cohérent et la continuité réelle.
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aaaaaaCette version des faits, qui n'est pas absurde, doit interpeller tous les vrais gaullistes car elle porte sur la légitimité gaulliste de Jacques Chirac. Si Chirac n'a pas prononcé en toute connaissance de cause l'Appel de Cochin, texte qui fit sa légitimité pour s'imposer définitivement comme le chef de file des gaullistes, que vaut cette légitimité ? N'est elle pas largement usurpée ? Et cette usurpation de légitimité n'est-elle pas finalement du même ordre que celle qui fit de lui, élu sur le discours séguiniste de la « fracture sociale », pour le coup authentiquement gaulliste, le cinquième président de la Ve République ?
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aaaaaaCar enfin, le discours du Reichstag, lié à l'engagement en faveur du quinquennat, ne doit plus laisser aucun doute à ceux des gaullistes qui en auraient encore : le masque est définitivement tombé à Berlin. Apparaît alors en pleine lumière la figure d'un Chirac imposteur, qui, de mystifications en mystifications, de Cochin à la campagne de 95, n'a eu qu'un but : capter l'héritage du gaullisme pour mieux le dilapider, s'approprier le message gaulliste pour mieux le trahir, et avec lui la souveraineté nationale, accéder à la fonction suprême pour mieux la détruire et à travers elle la République Gaullienne.
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aaaaaaEn réalité donc, les critiques qui faisaient de Chirac une personnalité versatile n'étaient pas fondées; il apparaît désormais que Chirac a toujours su où il était et ce qu'il fallait faire; ses revirements ont toujours été calculés.
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aaaaaaDès lors, le parallèle avec Mitterrand s'impose comme une évidence. Mitterrand-Chirac, les deux font la paire (comme July et Giesbert en somme). À l'un comme à l'autre, tous deux pareillement radical-socialistes, pareillement européens, pareillement atlantistes, il fallait, pour être élus et faire leur basse besogne, s'inscrire dans une lignée, capter un héritage, acquérir une légitimité, faire taire leurs véritables intentions et tromper longtemps leur camp. Il paraît que les gaullistes, comme les socialistes, cherchaient un bon cheval pour gagner les élections et retrouver le pouvoir, et qu'en Chirac ils le trouvèrent. Certes, Chirac gagna les élections, il paraît même qu'il est Président de la République. Mais pour mener quelle politique ?
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aaaaaaVingt ans ou cinq ans après, la victoire a un arrière-goût qui donne la nausée. C'est toujours un grand tort finalement, en politique comme ailleurs, de privilégier les moyens sur la fin. Ainsi donc, après les cocus du socialisme à la Mitterrand a-t-on les cocus du gaullisme version Chirac.
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aaaaaaSi les socialistes, de leur côté, n'ont pas attendu pour réclamer un droit d'inventaire sur la « période Mitterrand », le moment est venu pour les gaullistes authentiques de tirer à leur tour les enseignements de 25 ans d'illusion et de mensonge. Le temps est venu. Il ne faut pas attendre. Il est temps de casser le mythe, de dénoncer la mystification, de faire tomber les masques. La comédie est mauvaise et a assez duré. Les gaullistes ne doivent plus accepter qu'on continue ainsi à instrumentaliser les symboles, à galvauder les mots, à trahir le message du gaullisme.
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aaaaaaSi les ponts étaient déjà rompus - depuis Amsterdam essentiellement -, désormais les gaullistes authentiques doivent abattre les dernières passerelles avec l'Imposteur. Ils n'ont plus le choix aujourd'hui: pour dénoncer l'imposture, ils doivent désormais combattre l'lmposteur. Et pour ce faire, très concrètement, les gaullistes doivent appeler à voter NON au référendum du 24 septembre sur le quinquennat comme ils doivent s'engager résolument contre le principe d'une Constitution européenne. Car, désormais, les gaullistes n'ont plus à choisir entre Chirac et Jospin, qui se valent bien (comme Giesbert vaut July).
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aaaaaaDésormais, c'est entre Chirac et de Gaulle qu'il faut choisir.