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Le chômage est à présent considéré comme le problème majeur de notre société. Il est à l'origine principale de l'exclusion, de la consommation en augmentation de la drogue, de la prostitution, des vols et agressions, etc., bref, du mal de vivre de nos contemporains. Combattre le chômage est ou devrait être la priorité de nos gouvernants. Ces constats recueillent aujourd'hui l'assentiment d'une large majorité. Mais l'accord est loin de se faire sur la manière de combattre le chômage. Lucien Pfeiffer, chef d'entreprise et financier, connu comme l'inventeur du crédit-bail et des SICOMI, créateur de nombreuses entreprises en France et en Afrique, nous a fait partager, lors de notre réunion du 11 septembre, les solutions nouvelles qu'il préconise et qui permettraient peut-être de réussir là où toutes les mesures essayées depuis 1974 ont échoué. Son analyse et ses propositions feront l'objet de deux parutions. Nous serions heureux de connaître l'opinion de nos lecteurs sur ses suggestions.
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aaaaaaPour moi, le chômage n'est pas la conséquence d'une crise comme celles périodiques que nous avons connues dans l'histoire économique depuis deux siècles. Il est le signe d'une mutation de civilisation. Cette mutation est équivalente à celle qui nous a fait passer de la civilisation agraire à la civilisation industrielle. Nous passons à présent et très rapidement de la civilisation industrielle à la civilisation que certains appellent de la communication et d'autres de l'intelligence artificielle. Qu'importe le nom. En fait sont remis en cause tous nos modes de vie. En premier lieu, notre manière de travailler bien sûr, mais aussi nos modes de transmissions d?un savoir-faire, nos manières de se loger, de se nourrir, de se soigner, de se distraire. |
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aaaaaaToutes ces transformations interagissent les unes sur les autres. C'est dire que les actions à entreprendre ne peuvent se réduire à la création de quelques centaines de milliers d'emplois salariés par les collectivités publiques, ni à une réduction réglementaire ou négociée du temps de travail salarié et surtout pas à des incitations, objurgations ou injonctions aux entreprises de ne pas licencier et d'embaucher. |
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aaaaaaNous sommes un certain nombre à préconiser un ensemble de solutions à court et moyen termes. *Celles à court terme visent à sauver ce qui peut l'être au niveau des entreprises. *Le crédit-bail de valeurs mobilières et la réforme de la législation sur le crédit-bail en sont les premiers exemples. Ils permettraient de doter les PME des capitaux et des moyens de production nécessaires. *La relance par les investissements publics, la reconquête par l'État de son droit régalien de battre monnaie, la présentation nouvelle des budgets publics en comptabilité à partie double distinguant fonctionnement, investissements publics pour l'économie en seraient la deuxième étape. *Un plan quinquennal de relance par l'investissement public financé par la création de monnaie permanente n'ayant pas pour contrepartie l'endettement des agents économiques en serait la troisième étape. *À moyen terme, pour nous adapter à la mutation de civilisation que les progrès technologiques rendent inéluctables, il nous faudra : une nouvelle incarnation de l'entreprise : la société des hommes faisant pendant à la société de capitaux ; la garantie du risque économique par les techniques de l'assurance venant s'ajouter aux garanties utilisées de longue date (gage ou capitaux de risques) ; le Commissariat Général aux Structures Expérimentales permettant d'expérimenter dans la légalité. |
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Le crédit-bail de valeurs mobilières et la réforme du crédit-bail |
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aaaaaaNous constatons que les entreprises qui créent des emplois sont surtout celles qui naissent à l'initiative de créateurs notamment dans les nouveaux métiers ainsi que les petites et moyennes entreprises (PME-PMI) en développement. |
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aaaaaaLes grandes licencient de plus en plus massivement. Mais les créateurs et les petites ou moyennes entreprises ont des handicaps mortels comparés à leurs homologues étrangers et aux grandes entreprises. Elles manquent dramatiquement de fonds propres. Tout ce qui a été mis en oeuvre depuis des années n'a pas réussi à régler ce problème. Ni les sociétés de développement régional (SDR), ni les sociétés de venture capital. Elles ont toutes buté sur le problème de la sortie. |
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aaaaaaEn effet, il est relativement facile d'entrer dans une PME, d'acheter des actions ou de souscrire à une augmentation de capital. Mais les revendre est difficile. |
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aaaaaaUn projet de loi a été déposé en son temps par M. Ansquer qui a été ministre du Commerce et de l'Artisanat et des PME. Il donne une solution élégante à ce problème : une société mobilière d'investissement (SOMI) semblable aux SICAV (sociétés d'investissements à capital variable) collecte l'argent des épargnants et l'investit dans des PME. La SOMI garde la nue-propriété des actions et confère l'usufruit à la PME qui lui paye une indemnité d'usufruit calculée comme un loyer crédit-bail. À la fin du contrat, la SOMI, qui a amorti les actions grâce à la fraction d'amortissement incluse dans chaque loyer, vend la nue-propriété qu'elle avait conservée pendant la durée du contrat pour un franc. Ainsi la PME a disposé d'emblée du capital dont elle avait besoin, a pu travailler avec cet argent, a pu de ce fait faire des bénéfices suffisants pour racheter mois par mois le capital qui lui appartiendra en fin d'opération. |
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aaaaaaMais le ministère des Finances n'a jamais accepté d'appliquer aux SOMI une fiscalité équivalente à celle du crédit-bail immobilier obtenue en 1967. |
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aaaaaaCe mécanisme contribuerait puissamment à la lutte contre le chômage. |
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aaaaaaD'abord en empêchant les jeunes PME de mourir. Le manque de fonds propres est reconnu comme la cause essentielle de la mortalité infantile des entreprises. Il en meurt plusieurs dizaines de milliers par an. |
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aaaaaaEnsuite, en résolvant le problème de la sortie des héritiers minoritaires. Les batailles entre héritiers qui ne peuvent se faire racheter par le dirigeant sont une cause importante de disparitions de PME. |
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aaaaaaDe surcroît, ce mécanisme donnerait une solution commode à la reprise d?une entreprise par ses salariés. N'oublions pas que les entreprises qui meurent sont la cause, chaque année, de l'inscription à l'ANPE de centaines de milliers de chômeurs. Le crédit-bail de valeurs mobilières devrait évidemment s'accompagner de la réforme de notre législation sur le crédit-bail immobilier et matériel en y incluant notamment l'incorporel afin que notre pays dispose d'un instrument unifié permettant aux PME un accès facile à l'usage de leurs moyens de production. Ces dispositifs sont à très court terme indispensables, ne serait-ce que pour empêcher ce qui existe de disparaître, et permettrait aux entreprises d'être prêtes à saisir des commandes passant à leur portée. |
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La relance par les investissements publics |
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aaaaaaJe constate que les entreprises ne créent d'emplois que si elles ont des commandes qui nécessitent cette création d'emplois. Bien sûr, elles empocheront toutes les aides, subventions, réductions fiscales, etc. qui leur seront offertes. Mais une étude approfondie et objective sur une durée suffisante prouve que la création d'emplois est liée exclusivement aux commandes suffisantes. Il y a plus de 5 000 000 de demandeurs d'emplois potentiels en France. L'équipe de « Chômage et Monnaie » dont je fais partie a élaboré un plan de création nette de 500 000 emplois par an. Il s'agit d'un plan d'urgence portant sur quelques années, une espèce de SAMU pour une économie en passe de trépasser. Ce n'est pas le traitement de fond dont je parlerai plus tard. Il ne prétend pas résoudre les problèmes de fond, issus de la mutation de notre civilisation. |
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aaaaaaComme il faut en moyenne 700 000 francs de chiffre d'affaires supplémentaire par an pour créer un emploi, il faut donc fournir à l'économie française 700 000 3500 000 = 350 milliards de chiffre d'affaires supplémentaire; que le PIB augmente d'autant. Cela n'est pas utopique. Cela s'est déjà fait en France et se fait aujourd'hui dans plusieurs pays à travers le monde. |
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aaaaaaLe choix de « Chômage et Monnaie » s'est porté sur 350 milliards de francs d'investissements publics au service de l'économie. Il s'agit donc d'une relance par des investissements rentables et non comme certains le préconisent, malgré les avatars de 1981-1982, d'une relance par la consommation. |
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aaaaaaDans les ministères et au Plan, il y a des armoires pleines de dossiers sur des investissements de ce type qui vont des logements au TGV, du chauffage urbain par géothermie aux satellites de communication, des autoroutes aux aéroports, etc. |
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aaaaaaCe financement ne peut évidemment pas se faire par voie d'augmentation des emprunts ni d'alourdissement de la fiscalité mais peut, et je dirai doit, se faire par création monétaire. C'est la planche à billets, c'est l'inflation garantie. Ceci est inacceptable par un gouvernement sérieux, sont les arguments immédiats qui sont opposés à de pareilles mesures. Ces réactions sont davantage du ressort de la pensée unique à la limite du terrorisme intellectuel que d'un examen objectif du passé. Savez-vous que depuis 1973, une loi votée à l'initiative de M.Giscard d'Estaing a interdit à l'État de créer la monnaie nouvelle nécessaire à la représentation de l'augmentation annuelle en volume et en prix des biens et services offerts sur le marché ? Or, cette augmentation a représenté plus de 350 milliards. |
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aaaaaaTous les économistes savent qu'un équilibre doit être trouvé entre le volume de monnaie en circulation et la valeur des biens et services offerts sur le marché. Trop de monnaie engendre un nouvel équilibre par augmentation des prix. C'est l'inflation. Une insuffisance de monnaie engendre un nouvel équilibre par la baisse des prix, c'est la déflation qui engendre la récession. |
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aaaaaaPuisque l'État s'est vu interdire la création monétaire, ce sont les banques qui ont créé la monnaie nécessaire. Elles en ont même créé plus que nécessaire. Ce surplus est, pour l'essentiel, allé alimenter la spéculation internationale. |
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aaaaaaMais il faut savoir que les banques ne peuvent créer de la monnaie qu'à travers le crédit. Toute la nouvelle monnaie créée par les banques depuis 1973, par l'extension du crédit, a donc, par construction, endetté tous les agents économiques: les ménages, les entreprises, les collectivités publiques. Pendant des années, la préoccupation du ministre des Finances a été d'empêcher que les banques fassent trop de crédit et, de ce fait, créent trop de monnaie. C'est la raison des lois « d?enca-drement du crédit », puis des régulations indirectes du crédit par le jeu des taux d'intérêts et des réserves obligatoires des banques déposées sans intérêts dans les caisses de la Banque de France. Cette politique est nocive. Trois caractéristiques permettent de la saisir. |
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aaaaaaLa monnaie créée par le réseau bancaire coûte à l'économie ce que perçoit ce réseau en intérêts, agios et commissions variées, plusieurs centaines de milliards. La monnaie créée par l'État ne coûte rien. |
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aaaaaaLa monnaie d'endettement a une durée de vie égale à celle du crédit qui l?a engendré. La monnaie d'État est permanente. |
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aaaaaaLe banquier qui fait crédit n'a pas à se préoccuper de l'usage fait de cette monnaie par l'emprunteur. Son seul devoir est d'apprécier si l'emprunteur va pouvoir rembourser. Que celui-ci avec sa monnaie la transforme en casseroles, maisons, capotes anglaises ou bombes n'est pas le problème du banquier. L'État au contraire doit se préoccuper de la première utilisation de la monnaie qu'il crée. |
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aaaaaaOn comprend de ce fait qu'une économie induite par une création monétaire d'État est très différente sur moyenne ou longue période d'une économie par création monétaire d'endettement auprès du réseau bancaire. |
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aaaaaaSi, par un coup de baguette magique, en un instant tous les débiteurs pouvaient rembourser leurs dettes, il n'y aurait plus de monnaie en circulation et toute la vie économique s'arrêterait. C'est dire l'absurdité de cette politique. |
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aaaaaaIl s'agit donc de relancer notre économie par 350 milliards d'investissements publics financés chaque année par 350 milliards de création monétaire d'État. Les investissements publics engendreraient 500 000 créations d'emplois nettes. Et d'après moi, cela n'engendrerait pas d'inflation. De surcroît le terme est inadéquat. Parler d'inflation, c'est déjà indiquer une cause. L'inflation est la description d'une situation de surabondance de signes monétaires engendrant une augmentation des prix. Parlons donc d'augmentation des prix. Des études récentes ont prouvé que l'augmentation des prix en France dans les trente dernières années n'avait pas pour cause l'augmentation de la masse monétaire mais était due à l'augmentation des coûts. Et essentiellement en raison de l'indexation généralisée notamment des salaires. À preuve lorsque M. Bérégovoy supprima l'indexation des salaires sur les prix, a enfin commencé une décélération rapide de l'augmentation des prix. Longtemps et souvent l'augmentation de la masse monétaire n'a fait que suivre l'augmentation des prix due à l'augmentation des coûts et donc a été une conséquence et non une cause. |
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aaaaaaCette politique a été pratiquée à de multiples reprises en Allemagne, aux États-Unis, au Japon par exemple. La Monnaie Dévoilée, un livre écrit par deux économistes de «Chômage et Monnaie», et récemment paru aux Éditions de l'Harmatan, décrit en détail ces relances réussies. Simplement, les gouvernements qui les ont mises en oeuvre ont camouflé leur création monétaire d'État par divers artifices décrits dans ce livre. |
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aaaaaaEt si en France, nos gouvernants, de droite comme de gauche, n'ont pas pratiqué ces politiques c'est sans doute que la culture économique concrète sur le terrain n'est pas l'expérience la plus partagée ni par nos hommes politiques, ni par ceux qui les conseillent et qui maintenant sortent pratiquement des mêmes écoles. Le jour où, comme aux États-Unis et dans d'autres pays, les gouvernants français et leurs conseillers exerceront alternativement des responsabilités publiques puis privées, puis à nouveau publiques, etc., on verra sans doute les politiques changer. |
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aaaaaaEt qu'on ne dise pas que cette politique va à l'encontre du traité de Maëstricht et donc est maintenant inapplicable. C'est ce que les tenants de la pensée unique veulent nous faire croire. Le traité de Maëstricht interdit à la BCE et aux banques nationales de financer les États. C'est vrai, mais, et c'est justement l'astuce utilisée par les gouvernements notamment allemands, japonais ou américains, il est permis aux banques centrales de financer des établissements financiers. Il suffirait donc de faire transiter ces financements par des établissements financiers adéquats pour que cette politique soit possible. Et je suis persuadé que cela se fera en France comme en Europe car sinon effectivement nous allons vers l'implosion suivie de l'explosion. |
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aaaaaaBien entendu, cette politique de relance par les investissements publics financés par création n'est pas suffisante. Il y faut des mesures d'accompagnement, par exemple une loi sur la sous-traitance pour éviter que les grands groupes adjudi-cataires de ces investissements publics ne s'enrichissent exagérément au détriment de leurs sous-traitants. Il faut aussi un ensemble de mesures permettant une création facilitée d'entreprises, la généralisation des boutiques de gestion en est un exemple. Mais n'oublions pas que ces premières mesures ne sont que le SAMU pour sauver les blessés et les malades en danger de mort. Il faut aussi un traitement de fond, autrement dit, une politique pour le moyen terme. |
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aaaaaaMais avant de parler du moyen terme, continuons sur le court terme. Les critères de Maëstricht vont déterminer l'année prochaine l'entrée ou non dans l?euro. Parmi ces critères, il y a l'interdiction de dépasser 3% du PIB comme déficit de l'État et 60% du PIB comme endettement de l'État. La nouvelle politique monétaire sera de nature à faciliter le passage du franc à l'euro. |
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aaaaaaEn effet, la création de 350 milliards de monnaie d'État, même occultée par l'un des moyens recensés dans La Monnaie Dévoiléecomme ayant été ou étant utilisée par les gouvernements, ne va pas augmenter l'endettement de l'État, ni aggraver son déficit. L'augmentation du volume de circulation monétaire se traduira dans un premier temps par une augmentation de la valeur du patrimoine des collectivités publiques et dans un deuxième temps, par une augmentation de la production induite par la demande supplémentaire. Celle-ci sera absorbée rapidement par la capacité des entreprises françaises ou européennes de répondre à l'augmentation des achats permise à travers les salaires des 500000 embauchés, donc vraisemblablement sans surchauffe des prix. |
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aaaaaaLe prochain article à paraître traitera des « étapes concrètes à mettre en oeuvre » puis « des instruments nouveaux de notre entrée dans le XXIe siècle : la société des hommes, alternative à la société des capitaux, Commissariat général aux structures expérimentales, comment couvrir le risque économique par les techniques de l'assurance ». |